La fin d’une époque: comprendre la crise systemique qui secoue l’économie chinoise

La Chine fait face à d’importantes difficultés financières depuis quelques années, révélant les fragilités de son modèle de croissance. Le secteur immobilier, moteur traditionnel de l’économie chinoise, est entré en crise avec la faillite de grands promoteurs surendettés comme Evergrande.

Cette crise a mis en lumière l’ampleur du shadow banking en Chine. Le shadow banking désigne l’ensemble du système de financement parallèle, peu ou pas réglementé, qui s’est développé pour pallier le rationnement du crédit bancaire traditionnel.

Concrètement, il s’agit d’institutions non bancaires (sociétés fiduciaires, sociétés de gestion d’actifs, etc.) qui collectent des fonds auprès d’investisseurs avant de les prêter à des emprunteurs n’ayant pas accès aux crédits bancaires classiques. Ces activités échappent largement au contrôle des autorités.

En Chine, le shadow banking a explosé dans les années 2000, pour atteindre un volume de 10 000 milliards de yuans en 2020, soit 14% du PIB. Il a permis de contourner les limites imposées aux banques publiques et alimenté massivement le boom immobilier.

L’un des acteurs majeurs du shadow banking était le conglomérat Zhongzhi. Fondé dans les années 1990, il s’est lancé dans la finance dans les années 2000 pour devenir le premier gestionnaire d’actifs privé de Chine. Il contrôlait des dizaines de sociétés et gérait plus de 100 milliards de dollars d’actifs, investis principalement dans l’immobilier via des sociétés de fiducie.

Mais depuis 2020, face à la formation d’une bulle spéculative, les autorités chinoises ont durci la réglementation financière et immobilière. Cela a provoqué l’effondrement des promoteurs surendettés, entraînant dans leur sillage les acteurs du shadow banking qui les finançaient, dont Zhongzhi.

Acculé à la faillite, le groupe a finalement déposé le bilan fin 2023. Son cas illustre les dangers d’une économie trop dépendante du crédit facile et du secteur immobilier.

Face à cette crise systémique, les autorités doivent rééquilibrer l’économie vers la consommation intérieure tout en gérant les risques financiers. C’est un exercice périlleux. Le resserrement réglementaire accroît les faillites d’entreprises fragiles mais le laxisme alimenterait une nouvelle bulle spéculative.

Pour l’heure, la banque centrale tente de soutenir prudemment l’activité par des injections de liquidités ciblées, tout en durcissant la régulation du shadow banking. Mais tant que le marché immobilier reste déprimé, la demande intérieure restera fragile.

À plus long terme, d’énormes investissements sont engagés dans les technologies d’avenir pour doper la productivité et faire émerger de nouveaux relais de croissance. Mais la transition vers une économie innovante et moins dépendante du crédit bon marché s’annonce difficile. L’issue de cette crise systémique reste très incertaine pour la Chine.

 

Par Gérôme Jean Alain Walch
Ceo Brazil Partner Investment